Comme vu précédemment, deux systèmes coexistent dans la plupart des villes africaines : un système de bus de grande capacité bénéficiant d’infrastructures de qualité et un système de services urbains (comprenant tous les modes collectifs, du bus classique au taxi collectif) exploité sur des voiries de moindre qualité. Les deux systèmes ne sont pas à opposer et le développement d’une multimodalité reste une tâche à accomplir par les autorités métropolitaines.
Des choix qui dépendent des infrastructures
Dans le contexte urbain africain, l’exploitation de bus de grande capacité est directement liée aux infrastructures disponibles. Les nouveaux services du type Bus Rapid Transit (BRT) ont, a priori, moins de contraintes à ce sujet : de nouvelles infrastructures sont construites pour permettre une exploitation optimale.
Sur ces infrastructures deux options sont possibles : une fermeture stricte des couloirs ou axes sur lesquels circulent les bus ou une ouverture – souvent partielle. Fermer un axe répond à un besoin de garantir une demande minimale aux nouveaux services de BRT ; les services traditionnels (institutionnels ou, principalement, artisanaux) sont exclus de l’axe, afin de limiter le risque de concurrence. Les BRT ont ainsi une meilleure visibilité sur leurs revenus potentiels. De plus, à condition d’être bien étudié, il est possible d’estimer avec une précision suffisante les coûts d’exploitation et des priorités de trafic peuvent être prévues pour améliorer la vitesse et limiter les coûts d’exploitation.
L’axe ou le réseau de BRT peut être ouvert lorsqu’il s’agit de répondre à d’autres enjeux de transport. Cependant, les ouvertures, même partielles, peuvent avoir des effets négatifs sur l’optimisation de l’exploitation, les services traditionnels ne suivant pas la même logique d’exploitation et donnant moins d’importance aux vitesses moyennes d’exploitation. Les bus traditionnels (institutionnels ou artisanaux) importuneront les véhicules capacitaires, surtout si les infrastructures de dépassement n’existent qu’aux stations.
Les bus classiques, les midibus, les minibus et les taxis collectifs, eux, ne dépendent pas de nouvelles infrastructures et sont exploités sur des voiries de faible qualité. Sur des voies non revêtues ou simplement sablonneuses, peu planifiées, à pentes excessives ou dans des rues avec au tracé contraignant, les véhicules les plus capacitaires peinent à concurrencer les mototaxis ou autres types de services hyper-flexibles dans l’exploitation. Les minibus ne peuvent pas se déplacer aussi facilement que les taxis collectifs, qui sont eux-mêmes plus contraints que les mototaxis.
Le choix de mettre en place de nouveaux bus capacitaires ou de nouveaux véhicules pour des services secondaires et/ou de rabattement dépend directement de leurs possibilités à être exploités dans des contextes peu favorables. Il n’est pas pertinent d’imaginer de nouveaux véhicules, plus capacitaires et moins flexibles, sur des infrastructures de mauvaise qualité, l’exploitation en serait excessivement onéreuse. Sans amélioration de la voirie, l’investissement dans de nouveaux véhicules (capacitaires ou non) a peu de chance d’être une solution durable.
Des choix qui dépendent des formes de mobilité en présence
En Afrique, la distribution de la demande actuelle des villes a des formes qui doivent être prises en compte pour toute initiative de réforme du transport public par bus. À quelques exceptions près, les villes ont des structures monocentriques avec un centre-ville – ou autre centre d’activité – qui regroupe la plupart des emplois (formels et informels) et des périphéries urbaines planifiées ou non, principalement résidentielles. La demande de mobilité suit donc la structure urbaine : des zones résidentielles vers le centre d’activité en début de journée et des lieux d’emplois vers les périphéries en soirée. La demande est donc particulièrement pendulaire. En effet, les deux heures de pointe du matin représentent jusqu’à près de 25% de la demande quotidienne totale et il en est de même aux heures de pointe du soir, même si plus étalées.
Ces flux pendulaires ont pour conséquence des taux de remplissage très inégaux selon le sens de circulation des véhicules et le moment de la journée. Et la non-rentabilité en sens inverse aux heures de pointe est d’autant plus grande dans les pays africains que le coût d’exploitation repose principalement sur le carburant -contrairement aux pays du Nord où le coût principal est celui de la main d’œuvre-.
Le choix final du véhicule à acquérir doit donc prendre en compte ces conditions d’exploitation particulières. La structure urbaine peut changer, mais ces changements (polycentrisme, mixité, densification…) se feront moins rapidement que les changements envisagés au niveau du parc des bus. Une solution combinant plusieurs tailles de véhicules se justifierait dans un contexte comme celui des villes africaines.
Des choix qui dépendent de la capacité à financer des nouveaux véhicules
Le dernier aspect à prendre en compte dans un projet d’achat des véhicules est la limite des ressources des autorités nationales, et, celles encore moindres des autorités métropolitaines ou locales. Sachant qu’en termes d’amélioration des conditions de vie de leurs habitants, la mobilité n’est qu’une urgence parmi les nombreuses autres que doivent affronter les villes africaines, ce qui limite d’autant plus la disponibilité de fonds pour financer l’achat de véhicules.
Pour trouver des solutions et pour pouvoir amorcer des programmes d’acquisition, les responsables africains peuvent faire appel aux bailleurs de fonds, et le font souvent. La participation d’acteurs locaux susceptibles de financer un achat groupé de véhicules est aussi possible – le cas de Dakar en est preuve de cela – et pourrait être encouragée. (cf. Pour aller plus loin : Comment mobiliser des financements ?)